Le Démiurge et les archontes : comprendre les forces qui gouvernent ce monde
- Pascale de Tol
- 24 août
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 sept.
Depuis deux mille ans, le monde a appris à reconnaître Dieu à travers des dogmes, des religions et des représentations extérieures. Pourtant, les textes gnostiques, retrouvés notamment dans la bibliothèque de Nag Hammadi (Haute Egypte) en 1945, révèlent une tout autre vérité : le dieu créateur de ce monde n’est pas le Très-Haut, mais une puissance inférieure, ignorante et orgueilleuse, connue sous le nom de Démiurge.
Cette révélation change tout, car elle explique pourquoi Jésus n’est pas venu fonder une religion terrestre mais apporter la Gnose, c’est-à-dire la connaissance intérieure qui libère des illusions de ce monde.
Comprendre qui est le Démiurge, quels sont ses noms, et comment ses serviteurs, les archontes, gouvernent la matière est essentiel pour distinguer la vraie lumière de ses imitations.
Qui est le Démiurge selon la Gnose ?

L’origine du Démiurge
Dans le Livre secret de Jean, il est raconté que Sophia, l’une des Éons du Plérôme (la plénitude divine), voulut engendrer seule, sans son syzygos, son compagnon céleste.
Dans le langage gnostique, ce “compagnon” ne désigne pas un partenaire au sens humain, mais la polarité complémentaire de Sophia dans le Plérôme. Chaque Éon existe en syzygie — deux aspects d’une même essence, émanant ensemble de la Source dans une union parfaite.
Lorsque Sophia choisit d’engendrer sans son syzygos, le mouvement s’est fait hors de l’harmonie originelle. Il ne s’agit pas d’une faute morale, mais d’un déséquilibre vibratoire : en créant seule, Sophia a généré une forme imparfaite, coupée de la plénitude divine.
De cette dissonance est né un être incomplet, étranger à la lumière véritable : le Démiurge. Décrit comme « un lion à face de serpent », il porte en lui à la fois un immense pouvoir et une profonde ignorance.
Le Démiurge ne connaît pas le Très-Haut, car il est né en dehors de la plénitude. Le texte précise qu’« il était androgyne et il avait pris une grande puissance loin de sa mère ».
S’imaginant être l’unique créateur, il s’est proclamé dieu souverain, sans savoir qu’il est issu d’une réalité supérieure qu’il ne peut percevoir.
Pourtant, bien que coupé de la Source, le Démiurge reste doté d’une force créatrice. Avec elle, il façonne le monde matériel, mais son œuvre ne porte pas la perfection de la Lumière originelle.
Le monde qu’il engendre est une construction instable, gouvernée par des lois imparfaites, où l’oubli de notre véritable nature s’est inscrit dans la chair. Ce monde n’est pas une œuvre de libération, mais une prison vibratoire, où les archontes — entités émanées du Démiurge — œuvrent à maintenir les âmes dans l’illusion et la séparation.
Les noms du Démiurge dans les textes gnostiques
Le Démiurge est connu sous plusieurs noms, chacun révélant un aspect de son ignorance ou de son orgueil.
Dans le Livre secret de Jean, il est appelé Yaldabaoth, nom souvent interprété comme « enfant du chaos » ou « fils du vide ». Ce nom rappelle son origine désordonnée, hors de l’harmonie divine.
Il est aussi nommé Samaël, qui signifie « dieu aveugle », soulignant son ignorance fondamentale du Très-Haut.
Enfin, il est appelé Saklas, « le fou », parce qu’il croit être le seul dieu alors qu’il n’est qu’une émanation déchue.
Ces noms révèlent à quel point la Gnose distingue clairement le Démiurge du Dieu véritable.
Dans certains textes, comme l’Évangile de Judas, il est assimilé au dieu jaloux de l’Ancien Testament, celui qui exige l’adoration, les sacrifices et la soumission.
Jésus, dans ce texte, rit des apôtres qui croient offrir des sacrifices à Dieu, car ils ne comprennent pas qu’ils s’adressent en réalité aux archontes et au Démiurge, et non au Père véritable.
Le rôle et la prétention du Démiurge
Le Démiurge se proclame le seul et unique Dieu, comme le rapporte le Livre secret de Jean : « Je suis Dieu et il n’y en a pas d’autre que moi. »
Mais une voix venue du Très-Haut lui rappelle qu’il existe au-dessus de lui une réalité qu’il ignore. Cette ignorance est son essence même. Dans son aveuglement, il crée le monde matériel comme un reflet imparfait du Plérôme, et y enferme les âmes. Il se nourrit de leur adoration et impose des lois destinées à maintenir les êtres dans l’oubli de leur origine. Son règne repose sur la peur, la culpabilité et l’illusion.
Les archontes : les serviteurs du Démiurge

Qui sont les archontes ?
Les archontes, dont le nom signifie « puissances » ou « dominants », sont les serviteurs du Démiurge.
Dans le Livre secret de Jean, ils sont décrits comme ses émanations, engendrées pour l’assister dans la création et le maintien du cosmos matériel. Ils ne viennent pas du Plérôme, mais de la même matrice imparfaite que leur créateur. Leur rôle est de maintenir les êtres captifs dans l’oubli et la servitude.
La hiérarchie des archontes
Les textes gnostiques parlent souvent de sept archontes principaux, chacun lié à une sphère planétaire. Dans le Livre secret de Jean, ces archontes président aux sept cieux, gouvernant les destinées terrestres et imposant leur loi à la psyché humaine. Ils sont parfois décrits comme gardiens des portes célestes, empêchant l’âme de remonter vers le Plérôme.
Leurs noms varient selon les textes, mais leur fonction demeure la même : dominer, contrôler, maintenir l’illusion.
Certains textes les décrivent comme ayant façonné le corps humain à partir de la matière, y insufflant un souffle psychique, mais ignorant que l’étincelle divine venait d’ailleurs. Ils croient posséder l’homme, alors que ce qui est vraiment divin en lui leur échappe.
Le mode d’action des archontes
Les archontes agissent principalement sur la psyché (le mental, les émotions, le désir), car ils ne peuvent atteindre l’étincelle divine. Leur stratégie consiste à détourner l’attention des êtres vers l’extérieur, les enfermer dans des passions, des croyances, des peurs. Le Livre secret de Jean dit que Yaldabaoth et ses archontes « créèrent des lois et des chaînes de l’oubli » pour asservir l’humanité.
Ils produisent également des illusions de lumière. Dans de nombreux textes, ils apparaissent comme des anges, des guides, des maîtres, mais leur lumière est trompeuse, astrale, destinée à maintenir l’âme dans des sphères intermédiaires. C’est pourquoi les gnostiques insistent sur le discernement vibratoire : reconnaître ce qui vient du Très-Haut de ce qui n’est qu’imitation.
Enfin, leur action se manifeste dans les structures de domination du monde : religions qui exigent l’obéissance, systèmes politiques qui imposent la soumission, sociétés qui cultivent la peur et la compétition. L’Évangile de Judas est très clair à ce sujet : ceux qui servent les archontes construisent des autels, établissent des prêtres et organisent le culte, mais ne connaissent pas le vrai Dieu.
Étincelle divine et domination archontique
La clef pour comprendre la domination archontique est de distinguer entre la psyché et le pneuma (l’étincelle divine). Les archontes peuvent manipuler la psyché : ils influencent les pensées, les émotions, les croyances. Mais ils ne peuvent pas atteindre l’étincelle, car elle vient du Plérôme. Cette étincelle est comme une graine de lumière enfouie dans la matière, intacte malgré toutes les illusions.
L’oubli de cette étincelle est la plus grande victoire du Démiurge et de ses archontes. Le souvenir intérieur est leur défaite. Lorsque l’homme ou la femme gnostique se souvient de son origine, aucun archonte ne peut plus le retenir.
C’est pourquoi Jésus, dans l’Évangile selon Thomas, dit :
« Si vous vous connaissez vous-mêmes, alors vous serez connus, et vous saurez que vous êtes les fils du Père vivant.
Mais si vous ne vous connaissez pas vous-mêmes, vous êtes dans la pauvreté et vous êtes la pauvreté. »
Dépasser le Démiurge et ses archontes
La libération passe par la Gnose, c’est-à-dire le souvenir intérieur de notre origine divine. Jésus n’est pas venu abolir les lois du Démiurge de l’extérieur, mais réveiller l’étincelle à l’intérieur de ceux qui l’entendent.
Dans l’Évangile de Judas, il dit à Judas qu’il dépassera les archontes parce qu’il connaît déjà l’origine de son être. Dans le Livre secret de Jean, il révèle à Jean la structure du cosmos et l’illusion du Démiurge pour lui donner la force de se libérer.
Dépasser le Démiurge ne signifie pas fuir ce monde, mais vivre dans le monde sans lui appartenir. Reconnaître les illusions sans s’y soumettre. Laisser la lumière intérieure guider nos choix, nos pensées, nos actes, sans chercher validation extérieure. C’est un retournement profond, une naissance intérieure qui ne dépend pas de rituels mais du souvenir vivant.
Conclusion : vivre dans le monde sans appartenir au monde
Le Démiurge et ses archontes gouvernent ce monde matériel par l’illusion, la peur et la domination.
Mais leur pouvoir n’est pas absolu : il s’arrête là où commence le souvenir de l’étincelle divine.
La Gnose révèle que ce monde n’est pas notre origine, que nous sommes venus d’une lumière plus haute. Jésus est venu transmettre cette mémoire, non pour fonder une religion mais pour libérer.
Reconnaître le Démiurge, nommer les archontes et comprendre leur mode d’action n’est pas nourrir la peur, mais au contraire enlever le voile qui cache la vérité. Car une fois le mensonge démasqué, la lumière peut briller librement, et l’étincelle peut se souvenir du Plérôme dont elle est issue.
Pascale de Tol

Source :
1. Origine du Démiurge
• Dans le Livre secret de Jean (NH II,1 ; IV,1 ; BG 8502,2), Sophia engendre sans son compagnon, et de ce désir solitaire naît un être imparfait, hors du Plérôme.
• Il est décrit comme ayant « une apparence de lion et de serpent » (NH II,1, 10,5–10,15).
2. Noms du Démiurge
• Le Livre secret de Jean lui donne explicitement trois noms : Yaldabaoth, Saklas et Samaël.
• Les significations traditionnelles : Yaldabaoth (« enfant du chaos »), Samaël (« dieu aveugle »), Saklas (« le fou »).
3. Prétention à être Dieu
• Livre secret de Jean (NH II,1, 11,20–25) : « Je suis Dieu et il n’y en a pas d’autre en dehors de moi. »
• Puis une voix venue d’en haut lui rappelle qu’il existe une réalité au-dessus de lui.
4. Rôle du Démiurge
• Il façonne le monde matériel comme une copie imparfaite du Plérôme.
• Dans l’Évangile de Judas (33,15–20), Jésus se moque des apôtres qui offrent des sacrifices, car ils adorent les archontes, pas le vrai Père.
5. Archontes et hiérarchie
• Livre secret de Jean : les archontes sont engendrés par Yaldabaoth pour gouverner les cieux, décrits comme sept puissances avec leurs anges.
• Ils sont liés à des sphères planétaires (associations attestées dans plusieurs codices).
• Ils participent à la création du corps humain, mais l’étincelle divine vient d’en haut, échappant à leur contrôle.
6. Leur action
• Manipuler la psyché : Livre secret de Jean (NH II,1, 17,10–18,10) décrit comment ils imposent la « chaîne de l’oubli ».
• Illusions de lumière : la thématique est récurrente dans les apocalypses gnostiques (notamment Hypostase des archontes).
• Structures sociales : Évangile de Judas critique directement les prêtres, sacrifices et lois établies au service des archontes.
7. Étincelle divine intouchable
• Livre secret de Jean : la semence spirituelle vient du Père invisible et ne peut être détruite par les archontes.
• Jésus dans Thomas (logion 3) confirme que la connaissance de soi révèle la filiation divine.
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